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LE FIGARO                                                    English below

Benjamin Puech

«La musique classique, une goutte de rosée»

«On diminue à la huitième strophe», tranche Fredj, à qui l'on doit des mises en

scène au Châtelet et au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Chacun annote sa

partition. Caler la musique sur le texte est loin d'être aisé. «Vous n'êtes pas assez

dedans», lance-t-il à l'adresse des détenus. Des professionnels, Emma Bazin,

la formidable Fanny Sintès et Jacques Mazeran (l'air d'un Jean Carmet,

l'oeil plus triste) sont là pour les épauler et leur donner la réplique. Même s'il

oublie encore ses lignes, Hadyl, larges lunettes sur le nez et maillot du PSG sur

le dos, assure «avoir travaillé». «Je suis un peu stressé», confie Byzon, du haut de

son mètre quatre-vingt drapé d'un boubou.

Olivier Fredj veut donner un air tzigane à certaines notes de Schubert, quelque

chose du Goran Bregovic des films d'Emir Kusturica. Aux percussions, Valentin 

Dubois se prend au jeu. Le producteur Matias Aguayo dépose, lui, depuis sa

console, une couleur moderne et électrique sur les mélodies.

Hadyl est ravi d'avoir découvert le compositeur romantique : «La musique classique ressemble

pour moi à une goutte de rosée sucrée», s'enflamme-t-il. Ses copains se gaussent.

Et lui de les recaler : «Quand on écoute Jul et Rohff toute la journée, le moins

qu'on puisse dire, c'est que ça change un peu, non ?»

Le monologue de Sofiane impressionne. «La mémoire n'est pas stérile, pour que

le cauchemar ne se répète pas», lance-t-il. Ses mots resteront dans la nôtre, de

mémoire, et dans celle de son ami Haïss : «C'était magnifique, wallah («Je le

jure», en arabe, NDLR) !» Les comédiens récitent des lignes écrites lors d'ateliers

menés par la Maison de la poésie dans des centres du Samu Social, en

Ehpad, au sein de la prison de Meaux, ou dans l'unité mobile d'accompagnement

et de soins palliatifs de la Pitié-Salpêtrière. Puis compilées et remodelées

par Olivier Fredj. «Ils ont une expertise sur le temps que nous n'avons pas.On

redécouvre grâce à eux la beauté et la richesse des choses simples», confesse-t-il.

Avant de s'aventurer dans un discours plus politique et plus difficile à suivre.

Filer au bord de la scène

Ces dernières semaines, des personnes âgées, qui résident en Ehpad, leur ont

envoyé par lettre des conseils d'interprétation. «Et des conseils de vie», précise

Irène Muscari. On se doute qu'elle n'a pas été un long fleuve tranquille, cette

vie. Mais interdiction formelle de poser des questions sur leurs antécédents.

Tout juste sait-on qu'ils ont écopé d'au moins cinq ans derrière les barreaux.

«Nous travaillons pour la prévention et la réinsertion, préfère détailler la coordinatrice.

Le théâtre fait appel à une dynamique de groupe, exige le respect des

règles et d'écouter les autres.» Le comportement et la motivation ont permis de

faire une sélection sur plus de soixante-dix candidatures. Pourtant, jouer ne va

pas de soi pour les prisonniers. «La représentation qui sera donnée au sein même

du centre les travaille un peu», confie Irène Muscari. Ils y jouent leur image.

Malgré leur air mutin, parfois gamin, ces jeunes ont conscience de l'intérêt

du projet. «Les moments de réelle expression en prison sont rares, témoigne Hadyl.

Watchest une façon de s'extérioriser, de rire, de parler à notre guise». Que

pensent-ils de devenir comédien ? Aucun ne dit non. Ce serait même trop beau

pour être vrai. Byzon, fan de L'Arnaque avec Newman et Redford, a, lui, déjà

écrit un scénario. «Nous sommes heureux de pouvoir donner une autre image de

la détention», sourit Hadyl. Une évasion est-elle, d'ailleurs, à craindre lors de la

représentation à Bobigny ? À en croire Irène Muscari, ce n'est pas vraiment un

sujet d'inquiétude.

Si, comme le Watch le prouve, le théâtre peut apporter aux détenus, l'inverse

n'est pas faux. Certes le ton de ces comédiens encore amateurs reste parfois artificiel,

mais lorsqu'ils s'expriment à plein poumon, leur sincérité touche. Estce

dû à leur vécu ? Il y a une intensité dans leur voix, qui parvient à se frayer

un étonnant chemin sur la mélancolie froide et rêveuse du Voyage d'Hiver.

LE FIGARO, Benjamin Puech

“Classical music is a drop of morning dew”

Softer on the 8th verse” decides Olivier Fredj, who has been a director at the Théâtre du Châtelet and the Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Each performer writes it down on his or her his partition; putting the music on the text is no easy task. ‘You’re not concentrating properly’ he tells the prisoners. The professionals, Emma Bazin, the wonderful Fanny Sintes and Jacques Mazeran (who looks like the actor Jacques Villeret, only a sadder version) are there to help them and give them their cue. Hadyl,, wearing a PSG T-shirt and large glasses, still forgets his lines, but says he ‘has worked’.  I’m a little anxious’ says the 1m80 tall Byzon, wearing a boubou.

Olivier Fredj wants to give some of Schubert’s notes a gypsy tone, something of Goran Bregovic in Emir Kusturica’s films. Valentin Dubois playing the drums gets caught up in  the game. The producer Matias Aguayo gives an electric modern tone to the melodies.

Hadyl is delighted to have discovered the romantic composer. ‘Classical music is like a drop of sweet dew to me” he says enthusiastically. His pals guffaw and he puts them back in their places : “ When you listen to Jul and Rohff, day in and day out, the least you can say is that is makes a change, doesn’t it?”

Sofiane’s monologue is impressive.  “Memory is not sterile so the nightmare can come back” he says. His words will remain in our memory and in the memory of his friend Haïss.

“That was incredible, Wallah( ‘I swear’ in Arabic)”

The actors recite lines that were written in the workshops organized by the Maison de la Poésie in the Welfare and Old People’s Homes, in the prison at Meaux and in the Palliative Care Unit at the Pitié-Salpétrière Hospital in Paris. Olivier Fredj put them together and restructured them

‘They know things about time we do not. Thanks to them we rediscover the beauty and the wealth to be found in simple things.’ Then he ventures into a more political speech which is harder to follow.

 

These past weeks, elderly residents in a Home also sent them letters of advice as to how to act the lines and advice on life as well’ says Irene Muscari. One can imagine their lives have not been a bed of roses. But it is strictly forbidden to ask the prisoners any questions about their past. All one knows is that they have been sentenced to at least 5 years in prison ‘“We are working for prevention and reinsertion” says I.Muscari cautiously. ‘The theatre calls for group dynamics and requires obeying the rules and listening to other people’   .

Behaviour and motivation was what made it possible to select the actors among more than 70 candidates. Yet, acting does not come naturally to these prisoners.

‘The performance they will be giving in the prison itself worries them a little’ says I. Muscari.’ They are playing with their image. Despite their sullen sometimes childish air, these young men are quite conscious of the relevance of the project.

“There aren’t many moments of true expressions in prison” says Hadyl. “Watch is a way of getting our feelings out, laughing and saying what we feel like.”

What do they think about becoming actors? None of them say no. It would even be too good to be true. Byzon who is a fan of The Hustler, with Paul Newman and Robert Redford, has already written a script.

metteur en scène

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